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Mouloud Mammeri, centenaire de l'inoubliable colline

Il est normal que le sommeil de l’algérien suive Le sommeil de la conscience nationale. Très vite, les amalgames t’ont cisaillé, Berbériste, ils ont écrit, crié haut et fort ; En 52, à la parution de La colline oubliée. Un chef d’œuvre de roman nationale, Car à cette époque il fallait « être ou ne pas être », Et tu as été une de nos voix, la voix des bouches bâillonnées Le long de la longue nuit coloniale. Pourtant déjà, dans notre colline emblématique En 45, tu nous parlais des premiers maquis kabyles qui s’organisaient, Et de cette variété de vêtements qui était le signe frappant de la bigarrure des pensées. Mais, en 52 l’idéologie sectaire sévissait et appelait à ton excommunion. Pourtant ce livre a enthousiasmé une grande figure littéraire, entre autres, algérienne et farouche anticoloniale, Kateb Yacine écrira pour te rendre hommage : Ce roman « amour » suffirait à situer son auteur comme un grand écrivain, en Algérie et dans le monde. Ta plus belle réponse à tes détracteurs, a été la parution du « Le Sommeil du juste » Un roman peignant l’atmosphère pré-insurrectionnelle prégnante Illustrée avec cette image parlante d’un de tes personnages Brûlant ses classiques de livres français. Puis à travers « L’opium et le bâton », tu entres en guerre pour la libération nationale, luttant avec fermeté contre tout type d’aliénation, Le plus beau jamais écrit dans ce genre que le cinéma a perverti, usant d’aliénation en changeant les noms des personnages kabyles Akli et Amirouche. Aux lendemains qui déchantent, Tu t’es consacré à épanouir notre culture berbère Arborant des sentiers qui semblais perdus. Tu mérites bien ce titre de chantre de culture berbère. Salués par tous, Bourdieu parlera de ton travail comme d’une odyssée Puis ta conférence sur la poésie kabyle ancienne Fut une fois de plus interdite, la dernière répression Sur ce thème datait de six ans à Constantine Mais cet avril 1980, la Kabylie en un seul bloc Se soulèvera pour défendre une culture longtemps officiellement réprimée. Ton travail en anthropologie nous a appris que l’Algérie est riche De plusieurs mémoires collectives qu’il fallait s’attelait à sortir du déni Pourtant, tu nous alertais dans « Le Banquet », du drame d’un génocide culturel A travers l’exemple aztèque. Je me suis toujours demandée, si tu avais vu venir cette décennie noire que tu n’auras pas connu ; Quand en parcourant avec grand intérêt ton dernier roman « La traversée » J’ai découvert ce personnage intégriste, membre d’une secte religieuse. Oui tu auras été et restera un écrivain algérien de génie, une sommité et de surcroît complet, qui aura parlé dans son œuvre des différents pans de notre histoire… Tant de fois brimée. Tanmirt a Dda Lmulud , Tu as contribué à ce que le cas aztèque ne se reproduise pas chez toi en Algérie Nous te gratifiant d’une infinie reconnaissance. Et qu’il est doux, d’être un 26 février à Ath Yenni, à Taourirt Mimoun et de constater que ta colline veille à ne jamais t’oublier Bien que la télévision nationale n’ait diffusée ton nom que deux fois : Une fois pour t’insulter lors du printemps berbère Et une autre fois pour annoncer laconiquement ton décès. Bien que l’école algérienne veille aussi, à ne jamais te citer. Mais ils auront beau tenter de t’achever une seconde fois, en t’occultant Ils sous-estiment le poids de ce tu nous as légué, Puis, en 2017, nous célébrons ton centenaire. Ton peuple d'abord. L'Algérie officielle suivra:Tamazight accède au statut de langue constitutionnelle. Je vois d'ici ton sourire ravivé. Puis on te consacrera post-mortem.Tes livres seront réédités en tamazight. J'ai même vu l'opium et le bâton passé à la télévision algérienne et Machaho, est carrément passé en tamazight avec des sous-titres. Pour te dire... Bien que je devine ton regard inquiet. Nous mettant en garde contre les risques d'une instrumentalisation d'une culture par l'Etat, c'est à dire sa "folklorisation". Mais tes élèves ont appris la leçon, et la récite parfaitement en poursuivant ton combat, "conscients de la mise à l'écart". Oui, ils sous-estiment réellement le lourd poids, de ce que tu nous as légué. Une richesse inestimable, qu’est : « Cette certitude chevillée que quelque soient les obstacles que l'histoire lui apportera c'est dans le sens de sa libération que mon peuple - et avec lui les autres – ira. L'ignorance, les préjugés, l'inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement. Mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l'on distinguera la vérité de ses faux semblants. » Tout le reste …oui le reste n’est que littérature ! Signé Djermane Amyra

Quelle langue pour l'écriture ?

(Extrait de Mammeri a dit de Aomar Aït Aïder, éditions Odyssée, édition revue et augmentée, 2015)

 

(...) Les phéniciens sont le premier peuple étranger à venir nous coloniser. Ils ont occupé notre pays pendant huit siècles. Durant la période qu’ils passèrent chez nous, ils écrivaient dans leur langue, le phénicien. Ils ont écrit des livres, particulièrement sur les domaines où ils excellent : l’agriculture et le commerce. Ces livres ont disparu. Après leur victoire face aux phéniciens, les Romains ont effacé toute trace de ces derniers.

A l’époque phénicienne déjà, les Berbères écrivaient plutôt en phénicien qu’en tamazight. Et ce fut la même chose sous l’occupation romaine. Beaucoup de Berbères écrivaient des livres. Il en était même parmi eux qui figuraient au rang des meilleurs écrivains latins. Au troisième siècle après Jésus-Christ, on peut dire que la plupart de ceux qui écrivaient en latin étaient d’origine berbère. Pas besoin de citer leurs noms à tous ; certains sont très connus et reconnus comme de grands écrivains à l’instar de Fronton, Saint Augustin, Saint Cyprien, Tertullien, Apulée…et beaucoup d’autres. Ces écrivains berbères du deuxième et troisième siècle s’exprimaient donc en latin. Pourquoi ? Le latin était la langue de la civilisation. Alors quiconque voulait s’exprimait sur un domaine qui lui semblait intéressant, le faisait en latin. Les auteurs berbères ont donc produit leurs livres en latin. Ils ne l’ont pas fait en berbère pour nous les léguer, mais ur ixsir wara…leur travail n’est pas perdu pour autant.

Et depuis, la situation est restée telle qu’elle. Même s’il y avait des Berbères qui écrivaient en tamazight, et il y en avait, ils le faisaient avec d’autres caractères que les nôtres. Particulièrement après l’arrivée de l’Islam, beaucoup se sont mis à écrire avec des caractères arabes.

Essayons maintenant de voir d’où vient la forme actuelle de tamazight. On peut dire que les livres les plus anciens qui nous soient parvenus à ce jour ont été écrits avec des caractères arabes. Les plus anciens d’entre eux remontent au 18ème siècle après Jésus-Christ. Il se peut qu’il y en ait de plus anciens encore, chez les Mozabites, par exemple.

Il existe chez les Mozabites des livres écrits en berbère, en taznatit précisément, taznatit étant la langue d’expression des Mozabites. Mais on ne peut pas dater avec précisions ces livres. On retrouve aussi au Maroc d’autres livres écrits en tachelhit. Tout le monde sait que la dynastie almohade a été créée par les Chleuhs du Haut Atlas.

La dynastie almohade a été créée sur une base religieuse, selon leur propre conception de la religion. U Tumert, le concepteur de cette voie religieuse, a écrit deux livres en tamazight. Ces deux livres portent sur les questions religieuses. Ils ont été traduits en arabe. Aujourd’hui, on ne retrouve plus trace des versions originales. Ont-ils été égarés ou simplement cachés ? Toujours est-il qu’ils ont existé même si seules les versions arabes sont disponibles de nos jours. Et depuis U Tumert, écrire en tamazight avec des caractères arabes est devenu une tradition chez les Chleuh. Au 18ème siècle, plus qu’en tout autre temps, les Chleuhs produisirent plusieurs livres sur l’islam et son interprétation. Ces livres existent encore et peuvent être consultés dans les bibliothèques qui les ont conservés. L’un de ces livres s’appelle « L’hawd ». Beaucoup de vers le composent, parce qu’il s’agit d’un livre de poésie, plus de mille vers où l’auteur du livre qui s’appellerait Ali Anzar, si je ne me trompe, explique et développe les préceptes de l’islam. Il nous reste aussi quelques livres de contes en Tachelhit. Ces livres peuvent être consultés. Certains d’entre eux ont même été édités.

On a donc des livres en tachelhit, en mozabite et même en kabyle. Moins en kabyle, quand même. Moi-même, j’ai connaissance de deux de ces livres. On peut dire que la plupart de ces livres se retrouvent chez les Marabouts. Ce sont essentiellement ces derniers qui étaient instruits à l’époque. Les kabyles aussi l’étaient un peu. Mais c’est surtout aux marabouts qu’incombait le rôle d’instruction. Le besoin ne se faisait pas beaucoup sentir chez les Kabyles. Ce sont donc les Marabouts qui écrivaient. Ils transcrivaient des poèmes et des contes kabyles avec des caractères arabes. Mais à mon avis, la plupart de leurs écrits ont disparu. Du peu qui reste, j’ai personnellement pris connaissance de deux livres. Dorénavant, il faut, à mon sens, essayer de récupérer le maximum d’écrits. Chez les Kabyles, les Marabouts ou tout autre détenteur possible. Qu’ils portent sur l’histoire ou la poésie, qu’ils soient rédigés avec des caractères arabes ou autres, pour peu qu’ils soient écrits en kabyle ou portent sur le kabyle, ces documents doivent être sauvés et sauvegardés. Il faut sinon les publier du moins les recopier et les mettre à disposition des chercheurs s’intéressant au domaine berbère. Car si ces documents sont gardés jalousement par leurs propriétaires, ils finiront par disparaitre définitivement ce qu’il serait dommage pour la culture berbère.

Jusque-là, on a parlé de l’écriture de tamazight et des écrits en tamazight. Mais s’agissant de l’enseignement de la langue il n’y en eut point jusqu’à présent dans ce pays. Ceci est une affaire politique. Un peuple qui n’a pas d’Etat ne peut voir sa langue enseignée par d’autres. Les dominateurs ne sons tenus d’étudier, ni même d’enseigner la langue d’un peuple qu’ils colonisent.

 

 

 

 

 

 

 

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